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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/248

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Mémoires

nation-là font leurs délices de se crever de boire, et qu’il n’y a point de quartier avec eux ; mais comme je savois que vous n’étiez pas moins brave dans le champ de Bacchus que dans celui de Mars, je n’attendois pas moins de vous. »

Quelque temps après il devint amoureux d’une jeune demoiselle de Valenciennes, qui lui répondit par une affection réciproque. Quand toutes les choses furent en bon état, il m’en donna avis et me pria d’agréer son mariage, m’assurant en même temps que je n’en aurois pas de déplaisir, puisqu’il avoit fait choix d’une personne assez bien faite, sage, et qui avoit du bien raisonnablement ; que néanmoins, si j’y avois la moindre répugnance, il ne passeroit pas outre, voulant m’obéir en toutes choses, et qu’il attendoit ma volonté là-dessus. Je lui fis réponse et remis le tout à sa prudence, étant bien assurée qu’il ne feroit rien qui ne fût conduit par la raison. J’en attendois l’issue avec impatience, et à la fin il m’écrivit et me manda : « Il y a bien une heure que je suis marié ; j’en suis si las que je ne sais à qui le dire. Plaignez-moi, je vous prie. » Je montrai ces deux lignes à quelques personnes de mes amis pour en rire ensemble, car je savois bien qu’il étoit satisfait, puisqu’il m’écrivoit si promptement, et le tout pour me donner de la joie. J’en eus autant qu’on peut en avoir en une pareille rencontre.

Il m’arriva ensuite une chose assez extraordinaire. Étant couchée dans mon lit une certaine nuit,