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de Mme de La Guette.

on entendit, sur les onze heures, le vacher du logis qui crioit à son secours. Il y avoit au-dessus de ma chambre une personne couchée qui se leva et me vint dire : « Il y a infailliblement du désordre dans la basse-cour, Madame ; je vas voir ce qui en est. » Cette personne sortit avec tant de précipitation qu’elle laissa la porte ouverte. Je fus environ un demi-quart-d’heure sans entendre parler de rien ; à la fin une petite épagneule, qui étoit couchée dans mon lit, se jeta à bas, et commença aussitôt à faire des cris effroyables. Je voulus la reprendre. Il me fut impossible, s’étant fichée sous le lit, où elle crioit de plus en plus. L’impatience me prit et je me levai toute nue, puis je me fourrai sous ce lit pour l’en tirer, et je n’en pus jamais venir à bout ; et cependant je ne pouvois voir ce que c’étoit, n’ayant point de chandelle. J’appelai ma cadette, qui étoit couchée dans ma garde-robe, et dans le moment la personne qui avoit couru si vite, revint de même fort effrayée et me dit : « Madame, n’y a-t-il point un chien enragé dans votre chambre ? — Comment, dis-je, un chien enragé ? — Oui, Madame, un chien enragé qui a mordu tous vos bestiaux. » À ces paroles, je l’aperçus qui sortoit de dessous mon lit, et qui avoit léché ma petite chienne. Cet homme s’enfuit, et moi j’entrai promptement dans ma garde-robe avec ma fille. Ce misérable animal gagna la porte de la basse-cour, et se sauva par-dessous. Ma petite chienne, qui étoit toute couverte de sa bave, se vint fourrer dans mon lit aussitôt que