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de Mme de La Guette.

rurgien « vous me faites mal. » Quand le bandage nécessaire fut fait, je priai M. le chevalier de Neuve Chaise, qui étoit avec nous, de prendre la peine d’écrire un mot à mon fils, pour lui donner avis de mon accident, et que j’attendois de ses nouvelles à Arras, n’étant pas en état de monter en carrosse. Il eut la bonté de mettre la main à la plume pour ce sujet, puis toute la compagnie prit congé de moi pour poursuivre leur voyage.

Je demeurai dans l’hôtellerie avec ma femme de chambre, et me mis au lit aussitôt. Une dame d’Arras qui sut ce qui m’étoit arrivé, et qui me connoissoit seulement de réputation, me vint rendre visite et me pria fort de prendre une chambre chez elle, dont je la remerciai de tout mon cœur, ne voulant pas lui être importune. Je fus là fort peu de temps. L’impatience me prit, de sorte que je ne manquai pas de me mettre dans le premier carrosse qui passa pour Lille, dans l’état où j’étois. J’envoyai chercher mon chirurgien pour lui dire ma résolution, à quoi il s’opposa tant qu’il put, me disant que l’os seroit plus tôt déplacé que je ne serois sortie hors de la ville, et qu’infailliblement je m’allois perdre. Je fus invincible, et quoi qu’il me pût dire je persistai dans ma résolution. Je me mis en chemin et tins mon bras d’une façon qu’il ne courut aucun risque. Quand je fus à une lieue d’Arras, j’aperçus un cavalier qui venoit au grand galop. Je dis à ceux qui étoient avec moi dans le carrosse : « Voici un homme qui me vient cher-