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de Mme de La Guette.

comme une personne qui est savante en beaucoup de choses, et prîmes congé d’elle.

Le lendemain nous allâmes voir l’armée navale, qui paroissoit beaucoup, et pour la mieux considérer je priai Mme de Gaurian, auprès de qui je me trouvai, de me prêter sa lunette d’approche, ce qu’elle fit fort obligeamment, quoique je n’eusse pas l’honneur d’être connue d’elle en ce temps-là ; et quand elle m’eut servi pour voir ce que je souhaitois, je la lui remis en main. Elle me demanda ce que j’avois vu. Je lui dis que j’avois aperçu grand nombre de vaisseaux et quantité de banderolles, les unes blanches et les autres bleues. Plusieurs personnes dirent qu’elles ne voyoient que les navires, ce qui me fit étonner d’avoir la vue si bonne à mon âge, puisque j’étois presque la seule qui distinguois ce qui y étoit. La flotte ennemie demeura là trois ou quatre jours et s’en alla ensuite du côté du Texel, où elle rencontra celle de Hollande[1]. J’aurois souhaité de tout mon cœur m’y être trouvée, car on dit qu’il n’y avoit rien de si beau à voir. Les canons tonnoient épouvantablement, et la mer paroissoit tout en feu. Le combat dura assez longtemps, et ceux qui y étoient présents surent pour qui la victoire se déclara. Mon fils, qui étoit

  1. Le combat eut lieu le 7 juin. Il fut en effet très-sanglant, et il causa aux Hollandois une frayeur si grande qu’ils se jetèrent dans les bras du prince d’Orange, au profit de qui ils rétablirent à la hâte le stathouderat. La flotte des alliés étoit sous les ordres du comte d’Estrées pour la France et du duc d’York pour l’Angleterre. Ruyter commandoit la flotte hollandoise.