Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XLI
Préface.

ment jeté son esprit dans les exagérations dont sa mémoire est restée chargée. À cette époque les femmes des gentilshommes campagnards avoient dû se familiariser avec les périls ; et nous croyons qu’il y en avoit beaucoup qui étoient de la même trempe que madame de La Guette. Tout château, toute maison qu’entouroit une cour fermée d’un mur de pierre, étoit, pour ainsi parler, une forteresse. Les villageois y trouvoient toujours, contre les violences des gens de guerre, un refuge d’autant plus assuré que les chefs des armées ne manquoient guère d’y envoyer d’avance des sauvegardes. En l’absence du mari, c’étoit la femme qui avoit le commandement de la place, et elle savoit à l’occasion payer hardiment de sa personne. Madame de La Guette a rempli plusieurs fois ce devoir à Sussy. On verra dans les Mémoires que la soumission des paysans et le respect même des soldats en diminuoient grandement les dangers. Même dans les troubles civils, les supériorités sociales gardoient une autorité qu’on ne bravoit pas trop ouvertement parce qu’on ne croyoit pas pouvoir le faire avec impunité.

À le bien prendre donc, madame de La Guette avoit en effet le courage de sa condition, si ce n’est qu’elle le gâte un peu par les exagérations de son langage ; et elle représente assez exactement cette classe de femmes nobles qui habitoient leurs mai-