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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/80

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Mémoires

Guette et moy, avec la permission de ma mère, d’en faire la cérémonie ; il amena avec lui six de ses amis pour servir de témoins, dont mon beau-frère estoit du nombre. Nous fûmes mariez à deux heures après minuit, et ensuite l’on dit la messe. L’église étoit tout devant notre logis. Mon père ne sut rien de tout ce qui se passoit et dormoit paisiblement. La messe étant achevée, mon mari et mon beau-frère me présentèrent la main pour me mener au logis et me quittèrent tout aussitôt, afin de rejoindre leurs amis au plus vite, parce qu’ils venoient de faire un coup assez hardi et assez dangereux, ayant affaire à un homme qui les pouvoit perdre tous. Pour moy, je m’en allai paisiblement me coucher sans aucune crainte ; tout ce que je fis, ce fut de dire à la fille qui m’avoit suivie de tenir la chose secrète, parce qu’elle couroit risque de la vie. La pauvre fille fut tout le reste de la nuit en pleurs et en larmes. Elle avoit grande raison de craindre, car l’on est fort rigoureux en France à l’endroit de ceux qui assistent à ces sortes de mariages qui se font contre la volonté des pères ; et je ne conseillerai jamais à aucune fille de faire ce que j’ai fait, car j’ay connu depuis que c’est une grande faute que la désobéissance sur le fait du mariage. J’en ai demandé pardon à Dieu du plus profond de mon âme. Nous passâmes quinze jours de la sorte sans que mon père sut aucune nouvelle de ce qui s’étoit passé. On lui avoit seulement donné avis qu’il prît garde à moi ; que le