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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/81

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de Mme de La Guette.

sieur de La Guette avoit dessein de m’enlever. Cela lui donna beaucoup d’inquiétude, et il me commanda absolument de ne pas sortir de ma chambre qu’il n’en ordonnât autrement. J’étois donc prisonnière, non pas de guerre, mais d’amour, puisqu’il étoit cause que l’on me traitoit de la sorte ; mais de ce bel amour chaste et pudique, car mon mary dans sa recherche m’avoit toujours fait espérer que nous vivrions comme frères et sœurs et que ma virginité me seroit conservée. C’étoit là ma créance ; ce qui m’obligea de passer outre ; car si j’avois cru coucher auprès d’un homme, je ne me serois jamais mariée. L’on voit par là l’état de ma simplicité, et comme j’allois tout à la bonne foy. Plût à Dieu que toutes les filles fussent dans la même disposition ! elles ne seroient pas savantes comme elles sont, et conserveroient leur réputation, qui est le trésor le plus précieux que l’on puisse posséder. Je suis ennemie mortelle de l’infamie et ne fais cas que de la vertu.

Dans le temps de ma prison, il vint un gentilhomme, lieutenant de la garde écossoise, nommé M. de Nièvre, me rendre visite. Il étoit ami de notre maison, et il me dit qu’il venoit de faire une proposition de mariage pour moi à mon père, d’un neveu de M. des Cures[1], grand maréchal

  1. Charles Fougen, écuyer, seigneur d’Escures, des Fourneaux et du Poustil, maréchal général des logis des camps et armées du roi, depuis 1611. Il étoit mort en 1642.