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barques, d’où l’on fit pleuvoir sur nous une si grande quantité de dards, que deux de nos compagnons furent tués des premiers coups. Nous ne restions que cinq. Il n’était pas douteux que nos ennemis ne fussent des corsaires, avec qui la soumission était inutile pour nous sauver de la mort ou de l’esclavage. Nous prîmes le parti de nous précipiter dans l’eau, ensanglantés comme nous l’étions de nos blessures. Le désir naturel de la vie soutint nos forces jusqu’à terre, où nous eûmes encore le courage de faire quelque chemin pour nous cacher dans les bois. Mais, considérant bientôt combien il y avait peu d’apparence de pouvoir résister à notre situation, nous regrettâmes de n’avoir pas fini nos malheurs dans les flots. Deux de nos compagnons étaient mortellement blessés. Loin de pouvoir les secourir, le plus vigoureux d’entre nous était à peine capable de marcher. Après avoir pleuré long-temps notre sort, nous nous trainâmes sur le bord de la rivière ; et ne connaissant plus le danger ni la crainte, nous résolûmes d’y attendre du hasard les secours que nous ne pouvions plus espérer de nous-mêmes.

» Nos ennemis avaient disparu ; mais le lieu qu’ils avaient choisi pour nous attaquer était tout-à-fait désert. Vers la fin du jour, nous vîmes d’assez loin un bâtiment qui descendait avec le cours de l’eau. Comme notre ressource n’était plus que dans l’humanité de ceux qui le conduisaient, nous ne formâmes pas d’au-