Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/146

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l’autre. Silveïra, officier portugais, touché de ce spectacle, leur laissa la vie et la liberté. À Dieu ne plaise, dit- il, que mon épée coupe des liens si tendres ! paroles où l’on pouvait reconnaître une nation qui mêlait la galanterie à la fureur guerrière. Peut-être pensera-t-on que ces traits n’étaient pas assez importans pour avoir place dans ce tableau rapide d’événemens qui ont changé la face du monde. Mais il faut bien quelquefois retrouver l’homme dans ces récits de destructions, qui ne ressemblent que trop à l’histoire des tigres.

Après la conquête de Socotora, Alphonse de Norogna demeura, pour commander dans le fort, avec une garnison de cent hommes. Acugna partit pour les Indes, et Albuquerque pour la côte d’Arabie. Ce dernier avait sept vaisseaux et quatre cent soixante hommes. C’est avec cette petite flotte qu’après avoir pris et pillé plusieurs villes du royaume qui tire son nom de l’île d’Ormuz, il osa former le projet de se rendre maître de la capitale du même nom, défendue par trente mille hommes et par quatre cents vaisseaux. Ormuz était depuis long-temps une dépendance de la couronne de Perse, dont ses rois étaient tributaires. Elle est située à l’entrée du golfe Persique ; son port est célèbre et fréquenté. Seyf-Eddin y régnait alors, et son ministre Koïa-Alar ne manquait ni de talent ni de fermeté. L’audacieux Albuquerque alla d’abord jeter l’ancre au milieu des plus gros vaisseaux d’Ormuz, en faisant une décharge