Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/18

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française où il succéda à Colardeau. La séance destinée à sa réception fut, suivant les mémoires du temps, très-brillante ; Laharpe s’attira de vifs applaudissemens par son discours, surtout par son tableau des agrémens du commerce des lettres, et puis par la lecture d’un fragment de sa traduction en vers de la Pharsale de Lucain ; mais le public mit de la malice à applaudir bien plus vivement encore le discours de Marmontel qui répondit à Laharpe, et à y chercher des allusions. Ce discours fut un événement pour le grand nombre d’oisifs de ce temps. Grimm a pris la peine d’en consigner les moindres détails dans sa correspondance littéraire. Après avoir peint la modestie et le caractère pacifique de Colardeau, Marmontel rappela de lui ce mot : « La critique me fait tant de mal que je n’aurai jamais la cruauté de l’exercer contre personne, » dont le public fit sur-le-champ une application peu flatteuse pour Laharpe ; sa malice se manifesta de nouveau quand Marmontel ajouta : voilà, Monsieur, dans un homme de lettres un caractère intéressant. Ce mot si simple, dit Grimm, fut applaudi comme si c’eût été la meilleure épigramme qu’on eût jamais faite. Il est vrai qu’il y avait au moins trois à quatre cents complices qui en firent les honneurs. Ce qu’il y eut de plus désagréable dans cette aventure pour Laharpe, c’est qu’à la suite des louanges qui lui furent données par son illustre confrère, ces mêmes applaudissemens se renouvelèrent encore souvent, toujours avec la même chaleur, et, puisqu’il faut le dire, avec les mêmes éclats de rire. On arrêta plusieurs fois l’orateur au milieu de sa phrase, et c’est avec une patience et une résignation tout-à-fait méritoires que l’orateur se laissait interrompre. Avant de faire remarquer le mérite