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tion, lui promirent tous de mourir les armes à la main. On vit commencer cet étrange combat d’un vaisseau contre une flotte. Les Espagnols du Saint-Philippe s’avancèrent d’abord avec peu de précaution, et moins préparés au combat qu’au pillage ; mais ils reconnurent bientôt ce qu’ils avaient à craindre du désespoir. L’action dura quinze heures, avec un carnage si effroyable, qu’ils furent obligés de faire venir de leurs autres vaisseaux un renfort de soldats pour remplacer leurs morts et leurs blessés. D’environ deux cents hommes sains ou malades, les Anglais en perdirent cent quarante, et quoique la poudre fût presque épuisée, les armes en pièces, le vaisseau presque abîmé, le reste, couvert de sang et de blessures, rejetait encore toute ombre de composition, lorsque Greenwill fut blessé à la tête d’un coup de mousquet. Ce n’était pas le premier coup qu’il eût reçu : mais celui-ci le mettant hors de combat, il proposa aussitôt d’employer le peu de poudre qui lui restait à se faire sauter, ou d’élargir assez les ouvertures du vaisseau pour le faire couler à fond. Une partie de ses compagnons applaudirent à ce dessein ; d’autres lui représentèrent qu’il ne pouvait sacrifier inutilement sa vie et celle du petit nombre de braves gens qui lui restaient sans offenser le ciel et sans faire tort à la patrie. Le capitaine et le pilote embrassèrent ce sentiment. Ils lui firent espérer que les Espagnols ne seraient pas insensibles à la valeur,