Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/26

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sion de le voir souvent, et il fit les honneurs d’une séance de l’académie française à laquelle le grand-duc assista avec sa femme et sa suite. Comme la flatterie faisait alors partie de l’étiquette, et même de la réception des princes à Paris, Laharpe lut en face de l’illustre voyageur une Épître au comte du Nord (nom sous lequel le grand-duc voyageait) ; mais en dépit des éloges il choqua les oreilles russes par la fréquente apostrophe de Petrowitz, qui parut ignoble à leur esprit habitué à la soumission.

Laharpe avait toujours vécu indépendant, et subsisté du produit de ses travaux : on le trouvait probablement trop philosophe pour mériter des places, des titres. Il avait été pour peu de temps secrétaire de l’intendant des finances Boutin ; cette charge était trop assujétissante pour un homme habitué aux charmes du commerce des muses. Il la quitta et n’en reprit point d’autre ; seulement il faut le plaindre d’avoir quelquefois travaillé pour de l’intérêt. De ce genre d’occupation paraît avoir été l’Abrégé de l’Histoire des Voyages, qu’il commença en 1780, et qui eut convenu plutôt à un bon géographe qu’à un poëte distingué. Laharpe n’apporta pas à ce travail toutes les qualités nécessaires ; mais aussi il en apporta qui manquent quelquefois aux savans ; je veux dire, la pureté du goût, l’élégance de la diction, et un esprit philosophique. Ses Cours de Littérature, professés avec beaucoup d’éclat au Lycée, aujourd’hui Athénée royal, et ses articles critiques, insérés dans le Mercure de France, étendirent encore sa réputation ; et il avait acquis l’autorité d’un juge en littérature, lorsque l’époque des grandes réformes arriva pour la France. L’esprit vif et