Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/306

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adroit pouvait le mettre à couvert, il eut le courage de déclarer qu’il était retenu par un motif beaucoup plus puissant que la passion de s’enrichir : c’était sa conscience, dont il craignait les remords. De là, s’étendant sur la nécessité de la restitution, il toucha plusieurs points qu’il crut capable de réveiller dans ses auditeurs quelque sentiment de repentir. En effet, son discours produisit différentes impressions. Les uns le félicitèrent sur son éloquence, et lui dirent qu’il était propre à faire un bon aumônier de vaisseau. D’autres lui déclarèrent brusquement qu’ils n’avaient pas besoin de prédicateur, et que les pirates n’avaient pas d’autre dieu que l’argent, ni d’autre sauveur que leur épée. Mais il s’en trouva aussi quelques-uns qui louèrent ses principes, et qui souhaitèrent que l’humanité du moins fut plus respectée dans leur troupe. Cette variété de propos fut suivie de quelques momens de silence ; mais Russel le rompit pour prouver à Roberts, par quantité de sophismes, qu’en supposant même que la piraterie fut un crime ce n’en pouvait être un pour lui de recevoir ce que les pirates auraient enlevé, parce qu’il n’aurait pas de part à leurs prises, et qu’il était prisonnier malgré lui. « Supposez, lui dit-il que nous ayons pris la résolution de brûler notre butin ou de le jeter dans la mer, que devient le droit du propriétaire lorsque son vaisseau et ses marchandises sont brûlés ? L’impossibilité de se les faire jamais restituer