Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/330

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pouvait imaginer quelque moyen de rejoindre ensemble les mâts, le gouvernail, et quelques parties qui ne paraissaient pas fracassées, ils croyaient pouvoir les conduire jusqu’à un port voisin, où peut-être en tirerait-il quelque utilité. Il admira leur bonté dans cette proposition ; et, touché de reconnaissance, il leur promit que, s’il arrivait dans ce port quelque bâtiment qui eût besoin de ces tristes restes, il les vendrait dans la seule vue de leur en donner le prix, et de récompenser leurs services par un présent fort inférieur à sa reconnaissance. Leur réponse, rapportée en termes exprès par l’auteur, est remarquable. Ils lui protestèrent qu’ils croyaient n’avoir fait que leur devoir en assistant des étrangers dans l’infortune ; que, malgré la différence de leur couleur, et quoiqu’ils fussent regardés par les blancs comme des créatures d’une autre espèce, ils étaient persuadés que tous les hommes sont de la même nature ; mais qu’ils avouaient néanmoins que Dieu les avait créés fort inférieurs aux blancs. Roberts, surpris de leur trouver tant de raison, leur répondit qu’au fond il n’y voyait pas d’autre différence que la couleur, et qu’il n’en connaissait pas d’autre cause que la chaleur excessive de leur climat. Il ajouta que si quelque blanc venait vivre dans leur île avec une femme de son pays, exposé comme eux à l’ardeur du soleil, il ne doutait pas que, dans trois ou quatre générations, leur postérité ne fût de la même couleur et de la même complexion.