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sept à huit cents pages d’un caractère très-serré ; et, ce qu’il y a de plus étonnant, il tint parole. Il est vrai qu’il reçut des encouragemens de toute espèce de la part de M. le comte de Maurepas, et de M. le chancelier d’Aguesseau, tous les deux faits pour sentir l’utilité de son travail, et pour en juger le mérite. L’ouvrage se répandit dans toute l’Europe.

Mais les auteurs anglais se plaignirent de ne pas recevoir chez eux les mêmes secours qu’ici le gouvernement accordait au traducteur français. La guerre allumée par la succession de l’empereur Charles vi, occupait alors le ministère de Londres, et, soit que les rédacteurs anglais fussent rebutés des difficultés qui renaissaient sans cesse, et qu’ils n’avaient pas toutes aperçues d’abord, soit que notre langue, plus répandue que la leur, procurât à la traduction un débit beaucoup plus grand qu’à l’ouvrage original, ils se trouvèrent accablés sous le fardeau d’une entreprise dans laquelle le profit n’était pas en proportion de la peine, et, après le septième volume, ils l’abandonnèrent entièrement. Ce fut alors que l’abbé Prévost, qui s’était déjà permis d’indiquer plusieurs fois les vices de leur méthode et les défauts de leur rédaction, en parla avec plus de liberté, témoigna tout le regret qu’il avait d’avoir été asservi à un plan si défectueux, et cita le mot que lui avait dit M. D’Aguesseau : Les Anglais ne savent pas faire un livre ; mot qui n’était que trop vrai alors, et que depuis les Hume, les Robertson, les Gibbon, ont si bien démenti.

Mais l’infatigable compilateur, en avouant tout ce qui manquait à la méthode qu’il avait suivie, ne put s’empêcher de reconnaître et d’annoncer la nécessité où il se croyait être de la suivre encore dans la continuation de l’ouvrage abandonné par les