fait que l’animal ne paît qu’en rétrogradant, ou en saisissant l’herbe par le côté. Il n’a pas la vue bonne, parce que les prunelles sont obscurcies par quatre excroissances spongieuses qui se forment sur la cornée de l’œil. La nature a peut-être voulu lui ménager sa vue ; sans cela, le saïga serait ébloui par le sol des steppes. L’organe de l’odorat remplace celui de la vue ; et lorsque ces animaux sont sous le vent, ils sentent les hommes et les animaux féroces à plusieurs verstes de distance. Ils sont tout de suite mis hors d’haleine, par une toux sèche qui leur prend, quoiqu’ils soient naturellement formés pour la course, et doués d’une agilité et d’une vitesse inexprimables.
Le saïga fait sa principale nourriture d’absinthe, d’aurone, d’armoise, d’arroche, et d’autres plantes âcres et salées qui abondent dans les steppes. Ces herbes donnent à sa chair une saveur désagréable. Elle est cependant mangeable en hiver ; et lorsqu’elle est rôtie, elle la perd totalement lorsqu’on l’a laissé refroidir. Elle est dégoûtante en été, à cause des larves d’une espèce de mouches qui se nichent sous la peau du dos de l’animal, et y forment des ulcères nombreux. Le saïga recherche aussi beaucoup le sel et les sources salées. On le trouve rarement au-dessus du 55e. degré de latitude ; il s’étend à l’ouest jusqu’en Europe, au nord et au sud des monts Crapacs, et sur les bords du Danube.