Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 10.djvu/307

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Cobi, on arrive dans la province de Thebeth. Elle a vingt journées de chemin de longueur, et contient huit royaumes. Le grand khan, c’était Koublai-khan, en avait détruit une partie ; on voyait les traces de ses ravages, par les débris de plusieurs villes et de plusieurs châteaux. Le manque d’habitans en avait fait une vaste solitude, de sorte que les voyageurs portaient avec eux des provisions pour vingt jours de route. En outre, depuis que le pays avait été abandonné par les habitans, les bêtes féroces s’y étaient retirées, et y étaient devenues si nombreuses, qu’elles y rendaient le chemin très-dangereux, surtout de nuit. Mais les voyageurs avaient eu recours à une invention pour se garantir du péril. Comme il croît en ce pays de très-grands roseaux qui ont sept à huit toises de longueur, trois empans de tour, et trois empans d’un nœud à l’autre, lorsque les voyageurs veulent se reposer pendant la nuit, ils ramassent une certaine quantité de ces roseaux en tas, et y mettent le feu ; ces roseaux brûlent avec un si grand bruit, qu’on peut l’entendre d’une grande demi-lieue, ce qui effraie les animaux et les empêche d’approcher. La frayeur se communique même aux chevaux et aux autres bêtes de somme que les voyageurs ont avec eux ; plusieurs se sont échappés et ont été perdus. Les voyageurs les plus avisés, pour remédier à cet inconvénient, lient à leurs bêtes les pieds de devant, et les mettent ainsi hors d’état de fuir.