Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 10.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le fleuve d’une partie de la neige qu’elle reçoit ; de manière que cette neige tombe si abondamment et s’accumule sur l’eau en telle quantité, qu’elle y forme des montagnes, avec des ouvertures dispersées çà et là, par lesquelles on voit couler l’eau avec un bruit épouvantable. Le malheureux voyageur ne sait quand cette neige fondra, et craint à chaque instant de voir sa tombe s’entrouvrir sous ses pas. Enfin, un mois et demi après notre départ de Serinagar, nous arrivâmes sur les confins du royaume. »

D’Andrada s’arrêta dans le dernier village pour attendre la fonte des neiges, dans un désert qui conduit au Thibet, et par lequel on ne peut passer que durant deux mois de l’année ; pendant les dix autres mois tous les chemins sont obstrués. « C’est là, ajoute-t-il, que commencent d’énormes montagnes que l’on ne peut franchir en moins de vingt jours. On n’y trouve ni habitations, ni arbres, ni herbe, rien, en un mot, que des rochers presque toujours couverts de neige. Pendant les deux mois où le chemin est praticable, la terre est découverte en certains endroits, et dans d’autres la neige est si solide, qu’on peut marcher dessus. Il ne s’y trouve point de bois, ni même aucun combustible, de manière que les voyageurs ne peuvent manger que de l’orge grillée ; ils la jettent dans l’eau aux heures des repas, et font ainsi un mets dans lequel ils trouvent à boire et à manger.