Benoît Goez était alors à Goa, en qualité d’ambassadeur du grand-mogol Akbar, dont il avait gagné la confiance par son caractère aimable et sa capacité. Le visiteur, jugeant que Goez, par sa connaissance de la langue persane, et des usages des mahométans, était plus propre que tout autre religieux de son ordre à jeter les fondemens de la nouvelle mission, fixa son choix sur lui.
Cependant le père Ricci, qui résidait à Pékin comme missionnaire, écrivit vers le même temps à ses confrères les jésuites que le Catay était le même pays que la Chine ; mais comme ses lettres ne s’accordaient pas, sur ce point, avec celles des jésuites de Lahor, le visiteur résolut de poursuivre son dessein, tant pour éclaircir ses doutes que pour ouvrir une voie plus courte à ceux qui voudraient aller en Chine.
Goez se rendit en 1602 à Agra, et instruisit Akbar de son dessein. Ce monarque l’approuva, et lui donna des lettres pour plusieurs petits rois ses amis ou ses tributaires, et y ajouta une somme d’argent. Goez prit le costume arménien, et le nom d’Abdallah, auquel il ajouta celui d’Isaïe, pour montrer qu’il était chrétien ; ce déguisement lui assura la liberté du passage, qu’il n’aurait jamais obtenue, s’il avait été connu pour sujet du roi d’Espagne. Il acheta des marchandises, et alla, comme marchand, joindre à Lahor une caravane qui partait tous les cinq ans pour la Chine. De