Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/241

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cours de la nature; ses instrumens, sa figure étrangère, le désordre de son habillement, faisaient peur aux astres contre lesquels il braquait ses lunettes. On murmurait tout bas ; on faisait des vœux pour son départ ; on menaçait son observatoire, et sa personne n’était pas en sûreté. Des Russes l’avertirent de ne point aller sans garde au milieu d’une populace insensée. Il prit le parti de coucher dans son observatoire jusqu’au moment du passage qu’il attendait.

Six mois de courses, mille six cents lieues de route par terre, un phénomène annoncé depuis un siècle, un résultat décisif pour déterminer la parallaxe du soleil, et mesurer la distance et la grandeur de cet astre ; la curiosité de tous les savans éveillée par un objet de cette importance, l’empressement de plusieurs souverains à concourir au succès d’une observation qui devait faire époque dans l’histoire de l’astronomie ; tout redoublait l’impatience de l’auteur pour voir éclore le jour qui devait payer des études de plusieurs années, des périls et des fatigues de plusieurs mois. La nuit du 5 au 6 juin, le ciel se couvre d’un nuage universel : voilà tous les projets et tous les travaux de l’astronome confondus ; il tombe dans un sentiment profond de désespoir : tout dort autour de lui, dans une tente voisine de son observatoire ; il s’agite, il entre et sort à chaque instant pour voir le ciel et s’attrister ; enfin le jour vient, et le soleil embellit déjà les nuages d’un pourpre qui présage la sérénité ; ce voile s’éclair-