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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/240

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coups de pique. L’ours est terrible dans ce climat, surtout l’ours blanc, qui, maigre et décharné, court plus vite que l’homme.

Chappe franchit les glaces et les neiges fondues, passe les rivières malgré l’obstination de ses guides qui craignaient la débâcle, et le 10 avril il arrive à Tobolsk, après avoir fait huit cents lieues dans un mois, le plus dangereux de l’année par les alternatives des fontes et de la gelée. Il emploie encore un mois à préparer un observatoire et à dresser ses instrumens. Cet édifice, étranger dans un pays d’ignorance, élevé sur une haute montagne, à un quart de lieue de la ville, remua l’imagination des habitans. « À la vue d’un quart de cercle, dit l’auteur, des pendules, d’une machine parallactique, d’une lunette de dix-neuf pieds… ils ne doutèrent plus que je ne fusse un magicien. J’étais occupé toute la journée à observer le soleil pour régler mes pendules et essayer mes lunettes : la nuit j’observais la lune et les étoiles… » Bientôt on regarda l’astronome comme l’auteur du débordement de l’Yrtich. Cette rivière s’enfle tous les ans à la fonte des neiges ; mais cette année elle avait submergé une partie de la basse ville de Tobolsk, débordé jusqu’au-dessus des toits, renversé les maisons, noyé des habitans, entraîné leurs effets, fondu le sel des magasins. Jamais on n’avait vu de semblables ravages : ce n’était plus l’éclipse prochaine du soleil qui devait être la cause de ces désastres, mais l’arrivée de l’observateur français. Lui seul troublait le