Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/243

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tion d’un conquérant ; et respectons, honorons au moins de l’estime publique le courage à qui nous devons la propagation des lumières et des connaissances, utiles au monde.

Chappe, non content d’avoir atteint le but de sa course, a recueilli tout ce qui s’est rencontré sous ses pas de plus propre à enrichir la relation de son voyage, à agrandir la sphère des sciences qu’un académicien doit embrasser. Suivons le nouvel observateur de la Sibérie.

Ce qu’il y a de plus remarquable peut-être dans cette région, surtout pour un étranger, est le froid qui prive de toutes choses un pays de quatorze cents lieues de longueur sur cinq cents de largeur. Cette vaste étendue ne présente constamment qu’un sol triste, désert et dépouillé, où les terres sont alternativement couvertes de neiges, et inondées par le débordement des grand fleuves, qui se glacent dans leur course impétueuse ; où le printemps même est hérissé de brouillards épais qui se gèlent avec l’haleine des voyageurs ; où les sapins en été n’offrent qu’une verdure sombre et pâle, dont la tristesse qu’inspire leur aspect est encore augmentée par un long gémissement des vents qui sifflent à travers leur feuillage ; où les bords des fleuves et de la mer ne sont parsemés que de branchages morts et de troncs déracinés. Cependant la terre détrempée, humide, impraticable au milieu de l’été, n’y reste pas gelée, comme on l’a dit, à une certaine profondeur. Pour s’en assurer, Chappe