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moitié des enfans dans la Sibérie ; elle y a pénétré par l’Europe. Les Tartares vagabonds qui courent au midi de la Sibérie ne contractent guère cette maladie ; ils en ont tant d’horreur, que, si quelqu’un d’eux en est attaqué, tous les autres le laissent seul dans une tente avec des vivres, et vont camper au loin. Ceux de ce peuple qui entrent dans la Sibérie sont bientôt surpris par cette contagion ; et rarement y survit-on, surtout après l’âge de trente-cinq ans.

Le mal vénérien est répandu dans toute la Russie et dans la Tartarie boréale plus que partout ailleurs ; il a gagné les contrées orientales de la Sibérie. Dans certaines villes, il y a peu de maisons où quelqu’un n’en soit attaqué ; des familles entières en sont infectées. La plupart des enfans naissent avec cette maladie ; aussi trouve-t-on peu de vieillards dans la Sibérie : on n’y a point l’art de traiter ce mal, devenu si commun en Europe, qu’il n’y est pas plus honteux que les vices qui le donnent. Dans nos climats, c’est le luxe qui nous a familiarisés avec le fruit de la débauche ; au Nord, c’est la misère même qui l’a introduit. Chez le peuple russe, les hommes, les femmes et les enfans couchent pêle-mêle, sans aucune espèce de pudeur. Les deux sexes se livrent de bonne heure à la dissolution, faute de travaux et d’occupations qui, en exerçant leurs forces journalières, détournent en même temps leurs sens des objets, et leur imagination des désirs.