rupture et d’une inimitié sans retour, que de le laisser aller les mains vides ; et l’hôte avare demeurerait sans amis, déshonoré parmi tous ses voisins.
Kracheninnikov raconte l’histoire d’un Cosaque qui se fit donner par un Kamtchadale une belle peau de renard à force de le chauffer et de le soûler. Loin de regretter son présent, le sauvage se vantait de n’avoir jamais été si bien traité, disant que les Kamtchadales ne savaient pas régaler leurs amis comme les Russes.
Lorsque les Kamtchadales veulent se livrer à la joie, ils ont recours à l’art pour s’y exciter : la nature ne les y porte pas, mais ils y suppléent par une espèce de champignon qui leur tient lieu d’opium : il s’appelle mucho-more, tue-mouche ; ils en avalent de tout entiers, pliés en rouleaux, sinon ils boivent d’une liqueur fermentée où ils ont fait tremper de ce narcotique. L’usage modéré de cette boisson leur donne de la gaieté, de la vivacité ; ils en sont plus légers et plus courageux ; mais l’excès qu’ils en font très-communément les jette en moins d’une heure dans des convulsions affreuses ; elles sont bientôt suivies de l’ivresse et du délire. Les uns rient, les autres pleurent au gré d’un tempérament triste ou gai : la plupart tremblent, voient des précipices, des naufrages ; et quand ils sont chrétiens, l’enfer et les démons. Cependant les Kamtchadales, plus modérés dans l’usage du mucho-more, tombent