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pereur faisait nourrir des bouffons, des bateleurs, des nains, des bossus, des aveugles, et tous ceux qui avaient apporté en naissant quelque singularité monstrueuse. Ils avaient des maîtres qui leur faisaient apprendre divers tours de souplesse convenables à leurs défauts naturels ; et le soin qu’on prenait d’eux rendait leur condition si douce, qu’il se trouvait des pères qui estropiaient volontairement leurs enfans pour leur procurer une vie paisible et l’honneur de servir à l’amusement de leur souverain ; mais ce qui doit paraître encore plus étrange, c’est que l’empereur avait choisi cette maison pour exercer particulièrement ses pratiques de religion. On y voyait une chapelle, dont la voûte était revêtue de lames d’or et d’argent, enrichie d’un grand nombre de pierres précieuses, où il se rendait chaque nuit pour consulter ses dieux au milieu des cris et des hurlemens de toutes les bêtes sauvages qu’on vient de représenter.

Deux autres de ces maisons tenaient lieu, l’une d’arsenal pour fabriquer des armes, et l’autre de magasin pour les conserver. Les plus habiles ouvriers étaient entretenus dans la première, chacun à la tête de son atelier, avec la distinction qui convenait à ses talens. L’art le plus commun était celui de faire des flèches, et d’aiguiser des cailloux pour les armer. On en faisait de prodigieux amas, qui se distribuaient régulièrement aux armées et aux places frontières, mais dont il restait toujours une