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curait quelquefois. Les Indiens de la terre de Tarqui, où il se trouvait à la fin de décembre, sont dans l’habitude de célébrer tous les ans une fête qui n’a rien de barbare ni de sauvage, et qu’ils ont imitée de leurs conquérans espagnols, comme ceux-ci l’ont autrefois empruntée des Maures. Ce sont des courses de chevaux qui forment des ballets figurés. Les Indiens louent des parures destinées à cet usage, et semblables à des habits de théâtre ; ils se fournissent de lances et de harnais éclatans pour leurs chevaux, qu’ils manient avec peu d’adresse et peu de grâce. Leurs femmes leur servent d’écuyers dans cette occasion, et c’est le jour de l’année où la misère de leur condition se fait le moins sentir. Les maris dépensent en un jour plus qu’ils ne gagnent dans l’espace d’un an ; car le maître ne contribue guère au spectacle qu’en l’honorant de son assistance.

Cette espèce de carrousel eut pour intermède des scènes pantomimes de quelques jeunes métis, qui ont le talent de contrefaire parfaitement tout ce qu’ils voient, et même ce qu’ils ne comprennent point. Les académiciens en firent alors une fort agréable expérience. « Je les avais vus plusieurs fois, raconte La Condamine, nous regarder attentivement tandis que nous prenions des hauteurs du soleil pour régler nos pendules. Ce devait être pour eux un mystère impénétrable qu’un observateur à genoux au pied d’un quart de cercle,