observe Ulloa, de vouloir cacher ce qui s’y passe, par la crainte qu’on ne partage avec eux les avantages du commerce. Leur unique vue est de maintenir dans l’innocence et la simplicité les hommes qu’ils ont fait sortir heureusement de leur barbarie, et qu’on peut compter entre les meilleurs chrétiens du monde comme entre les plus fidèles sujets de l’Espagne.
Tel était l’état des célèbres missions du Paraguay au milieu du dix-huitième siècle. Ces peuples indiens qui les composaient étaient en quelque sorte des hommes libres, qui s’étaient mis sous la protection du roi d’Espagne. Ils étaient convenus de payer un tribut annuel d’une piastre par tête ; ils s’obligeaient de joindre les armées espagnoles en cas de guerre, de s’armer à leurs frais, et de travailler aux ouvrages de fortifications. Ils rendirent de grands services à l’Espagne dans ses guerres contre les Portugais. Cependant une partie du territoire des missions fut cédée par l’Espagne au Portugal en 1757, en échange de la colonie du Saint-Sacrement, située sur le Rio de la Plata, hors des limites du Brésil. Le bruit courut que les jésuites avaient refusé de se soumettre à cette cession de territoire. Les Indiens prirent effectivement les armes ; mais ils furent défaits avec un grand carnage. La promptitude de cette défaite prouve qu’il n’y avait parmi eux ni union ni chefs. En 1767, les jésuites furent chassés de l’Amérique ; depuis leur expulsion, les moines qui furent chargés du soin de leurs