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peuplades n’habillèrent ni ne nourrirent les Indiens aussi bien qu’autrefois, et les accablèrent de travail. On ajoute que les marchands et les commandans militaires purent recommencer leurs exactions. La population des missions a diminué, et les Portugais ont envahi plusieurs villages.

Quelques auteurs ont cherché à noircir le tableau de ces missions, que d’autres écrivains avaient trop embelli. On a dit que les jésuites, ne considérant que leur intérêt personnel, avaient constamment tenu les Indiens dans un état de sujétion et d’abaissement moral qui les empêchait de faire des progrès dans la civilisation. Tous les Indiens étaient égaux, aucun ne pouvait rien posséder en propre. Les jésuites prétendaient que ce régime offrait la seule transition possible de l’état barbare où étaient les Indiens à une civilisation plus parfaite. Mais nul motif d’émulation ne pouvait porter ces Indiens à perfectionner les talens naturels, puisque le plus actif et le plus vertueux n’était ni mieux nourri ni mieux vêtu que les autres, et qu’il n’avait pas d’autres jouissances. Les Indiens étaient baptisés, savaient répéter par cœur quelques prières et les commandemens de Dieu ; c’était à quoi se bornait leur religion. Depuis cent cinquante ans, leurs pères spirituels ne leur avaient pas fait faire un pas de plus. Ils disaient que ces Indiens étaient de grands enfans incapables de se gouverner eux-mêmes, et qui, abandonnés à eux-mêmes, s’é-