saient toujours un de ces derniers pour achever de dépouiller l’animal, et pour en lever une pièce choisie. Les autres continuaient leur chasse jusqu’à ce que le maître eût tué autant de bétes qu’il avait de personnes à sa suite. Il retournait le dernier, chargé comme les autres d’une peau et d’une pièce de viande. Du piment, avec un peu de jus d’orange, faisait tout l’assaisonnement de ce mets. La table était une pierre avec un tronc d’arbre, de l’eau claire pour toute boisson, et nulle sorte de pain. L’occupation d’un jour était celle de tous les autres, jusqu’à ce qu’on eût rassemblé le nombre de cuirs qu’on s’était engagé à fournir aux marchands. Alors le boucanier portait sa marchandise à la Tortue, ou dans quelque port de la grande île.
Leurs principaux boucans étaient la presqu’île de Samana, une petite île qui est au milieu du port de Bayaha, le Port-Margot, la Savane, brûlée vers les Gonaïves, l’embarcadère de Mirbalais, et le fond de l’île Avache ; mais de là ils couraient toute l’île jusqu’aux habitations espagnoles.
Tels étaient les boucaniers de Saint-Domingue lorsque les Espagnols entreprirent d’en purger cette île. Les commencemens de cette guerre leur furent assez favorables. Ils surprenaient les chasseurs en petit nombre dans leurs courses, ou, pendant la nuit, dans leurs habitations. Plusieurs furent massacrés, d’autres pris et condamnés au plus cruel esclavage.