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que, peu d’années auparavant, ce prince, ayant résolu d’enlever quelques-uns de ces négocians invisibles, avait fait assembler son conseil, dans lequel on avait résolu qu’à la première caravane, quelques Nègres de Melli creuseraient des puits au long de la rivière, près de l’endroit où l’on plaçait le sel, et que, s’y cachant jusqu’à l’arrivée des étrangers, ils en sortiraient tout d’un coup pour faire quelques prisonniers. Ce projet avait été exécuté ; on en avait pris quatre, et tous les autres s’étaient échappés par la fuite. Comme un seul avait paru suffire pour satisfaire l’empereur, on en avait renvoyé trois, en les assurant que le quatrième ne serait pas plus maltraité ; mais l’entreprise n’en eut pas plus de succès : le prisonnier refusa de parler ; en vain l’interrogea-t-on dans plusieurs langues, il garda le silence avec tant d’obstination, que, rejetant toute sorte de nourriture, il mourut dans l’espace de quatre jours. Cet événement avait fait croire aux Nègres de Melli que ces négocians étrangers étaient muets. Les plus sensés pensèrent avec raison que le prisonnier, dans l’indignation de se voir trahi, avait pris la résolution de se taire jusqu’à la mort. Ceux qui l’avaient enlevé rapportèrent à leur empereur qu’il était fort noir, de belle taille, et plus haut qu’eux d’un demi-pied ; que sa lèvre inférieure était plus épaisse que le poing, et pendante jusqu’au-dessous du menton ; qu’elle était fort rouge, et qu’il en tombait même quelques gouttes de sang ; mais que sa lèvre supé-