Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/111

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vide de provisions. Le facteur arriva dans cette conjoncture à Kellingeit. Touché de pitié, il prit cette enfant, qui n’était plus qu’un squelette desséché par le froid et la faim, la sustenta, l’habilla, la réchauffa de ses propres mains ; puis, lui ayant rendu insensiblement la vie, il l’envoya, dans un sac de fourrure, aux frères de Neu-Herrnhut, offrant de fournir à l’entretien d’une pauvre veuve qui voudrait prendre soin de cette fille. Elle est encore vivante pour la gloire et la satisfaction de son bienfaiteur. Puissent les bénédictions de celle qu’il a sauvée répandre la prospérité sur les jours de cet homme sensible ! C’est la prière que fait Crantz à la fin de ce récit. De pareils tableaux raniment l’Histoire des Voyages. Elle offre souvent des déserts si tristes et si arides, que l’écrivain et le lecteur se rebuteraient au milieu de leur course, si le cœur n’y trouvait pas quelquefois des sites et des momens de repos qui lui permettent de s’épanouir, respirer et s’attendrir.

La rigueur de la saison, disent les missionnaires, y ferma cette année tous les cœurs à la grâce. La faim rendait les esprits sourds à la prédication. On n’y vint point. Il n’y eut même que deux familles qui voulurent hiverner à Kanghek, place communément très-fréquentée. Cependant le froid amena beaucoup d’eiders ; car il paraît que la nature a des équivalens dans toutes ses vicissitudes, soit d’inclémence, soit de bénignité. Le froid, qui chasse les phoques,