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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/119

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ayant été recueilli par un autre bateau, on recousit une pièce de cuir à son umiak, et les femmes se remirent à ramer.

La petite église de Neu-Herrnhut fut troublée par quelques scandales. Les courses avaient mis la dissipation dans le troupeau. Il fallut excommunier six chrétiens que le serpent avait débauchés, dit Crantz. Ces brebis chassées se perdirent tout-à-fait ; il leur arriva des malheurs loin du bercail, et les disgrâces qui suivirent leur punition aidèrent à contenir les fidèles dans l’obéissance. Mais les voies de la religion doivent être douces et persuasives. Pour gagner les cœurs, il faut les toucher. Rien ne faisait plus d’impression sur les Groënlandais que les lectures dont on les entretenait dans les assemblées de la congrégation. La longue nuit des jours d’hiver se passait à lire des lettres édifiantes ; tantôt c’était la vie de quelques enfans du herrnhutisme morts en Europe avec ces sentimens d’enthousiasme dont il est si facile, mais si dangereux de prévenir la raison dans le premier âge ; tantôt c’était une peinture de la misérable condition des nègres condamnés par leur naissance, leur faiblesse ou leur férocité même, à vivre dans un esclavage éternel. On leur représentait ces malheureux vendus à des maîtres impitoyables par des brigands d’Afrique ou d’Europe qui vont à la poursuite des nègres, comme les nègres vont à la chasse des tigres. Les Groënlandais frémissaient de rage à ce récit, et bé-