Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/139

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donne une religion qui porte le glaive dans la chair et le sang, lorsque, pour se faire suivre, elle veut qu’on brise les nœuds les plus chers et les plus sacrés, les liens éternels qui unirent les familles avant les sociétés, et les sociétés avant les sectes. Est-ce, encore une fois, aux propagateurs de la doctrine de ce Luther qui rompit les barrières du cloître et du célibat monastique, est-ce à ses disciples de séparer, pour ainsi dire, ce qu’il avait rejoint, les pères et les enfans ? Aussi n’est-il pas étonnant qu’un Groënlandais à qui l’on demande s’il ne veut pas assister à la prédication des frères Moraves réponde : « Non, je ne veux pas y aller ; cela me rendrait malade. » Crantz dit que ces mots signifiaient que la prédication le mettrait mal avec lui-même ; mais on pourrait croire qu’un Groënlandais prenait ce mot à la lettre, quand on voit, en effet, la mission fréquentée surtout par des infirmes, des paralytiques et des estropiés. Un homme, entre autres, après avoir eu les pieds gelés par le froid, se les était laissé couper ; et cependant, ainsi mutilé, ce chrétien gouvernait un kaiak avec tant d’habileté, qu’il n’y avait pas de pêcheurs groënlandais qui vécut de son travail avec plus d’aisance.

Du reste, la congrégation de Neu-Herrnhut augmenta cette année, mais de quinze enfans sur vingt-cinq baptêmes. Elle perdit d’un autre côté seize néophytes, qui moururent ; un seul périt par accident. « Ce fut, dit Crantz,