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le petit Jonas, enfant de trois ans, qui ravissait les missionnaires par son chant. Il était assis au soleil pour y respirer une douce chaleur ; et pendant que sa mère allait lui chercher à boire, une pièce de glace fondue au dégel tomba sur le corps de cet enfant et l’écrasa. Telle est la vie que l’on mène au Groënland ; le dégel du printemps n’y est pas moins funeste que les glaces de l’hiver. Puisque l’Évangile est fait surtout pour les malheureux, il ne manquera jamais de disciples ; car il y a toujours des victimes à consoler : celles de la société chez les Européens, celles de la nature chez les Groënlandais. Un d’entre eux disait à une vieille femme, qui sentait avec effroi les approches de la mort : « Nous craignions comme toi, la peine de mourir ; mais depuis que nous espérons d’aller vivre avec le Sauveur, cette crainte s’est évanouie. Ah ! dit la mourante, que vous êtes heureux ! » C’est dans ce moment où l’homme soupire pour l’immortalité que la religion inspire ses terreurs ou ses espérances ; mais alors le juste n’a rien à craindre.

Le petit troupeau de Lichtenfels s’était accru de trente catéchumènes dans une année. Les missionnaires avaient besoin d’assistans ; mais comment pouvoir les loger ? Leur grande maison était trop petite, et d’ailleurs presqu’en ruine. Un pan de muraille était tombé deux fois ; les corbeaux en avaient rongé la couverture de cuir, et la pluie tombait à travers le toit par mille trous. Enfin il s’y était amoncelé