Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/172

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contre toutes les autres. Un peuple sauvage verserait son sang pour Amida, ou celui des autres pour Mahomet, si l’on venait lui mettre à la main des armes homicides ou des instrumens de macération. Dieu veut régner par la raison ; il l’a donnée à l’homme pour son bonheur ; elle doit le mener par cette vie à l’autre. L’Être Suprême s’est manifesté d’abord aux sens par la nature, et par les sens à la raison. Les cieux sont ses témoins ; c’est là sa grande révélation. La grâce elle-même entre dans l’âme par la route des sens. La foi vient de l’ouïe ; mais le témoignage de l’ouïe est subordonné au jugement des autres sens. Qui n’en surprend qu’un seul sera tôt ou tard démenti. N’est-ce pas même une profanation des vérités saintes, un renversement de l’esprit humain, de parler des merveilles d’un être dont on laisse l’existence incertaine ? Ce n’est pas ainsi qu’on procède dans les écoles d’une théologie orthodoxe. La philosophie elle-même parle de Dieu seul avant que celle-ci divise son essence. L’une et l’autre ne supposent pas, elles prouvent ; mais l’une met d’abord en question ce que l’autre doit établir en assertion. On peut donc regarder comme inconvertis des chrétiens qui ne savent pas même s’il est un Dieu. Si jamais le Groënland tombait en d’autres mains que celles des Danois, combien le zèle religieux aurait à détruire d’erreurs avant d’établir la première vérité ! Ne valait-il pas mieux laisser les Groënlandais dans les ténèbres et