Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’assoupissement d’une ignorance universelle, que de les réveiller avec le feu du herrnhutisme, qui brûle sans éclairer ? Non, l’eau du baptême, que les frères Moraves confèrent, n’est pas propre à éteindre l’incendie du fanatisme qu’ils allument dans les âmes. Leur baptême ! s’ils ne le croient pas essentiel au salut, pourquoi vont-ils le porter chez tous les sauvages des quatre parties du monde ? Ou s’ils le croient d’une nécessité indispensable, pourquoi ne baptisent-ils pas les enfans des inconvertis ? C’est pourtant leur méthode. Ils exigent le consentement des parens pour baptiser un enfant ; mais que fait la promesse ou le refus du père d’élever son enfant dans les dogmes des herrnhuters ? L’une donne-t-elle, l’autre ôte-il la grâce qui sanctifie ? Telles sont les inconséquences d’un prosélytisme aveugle, erroné, sans lumières, sans science, qui prend la vocation de l’apostolat ou dans le dégoût d’un métier obscur, ou dans l’envie de voyager, ou dans la présomption d’endoctriner, ou dans l’ambition de dominer sur les âmes, et de faire du bruit et du mouvement au loin. Un charpentier, en effet, qui va convertir des pêcheurs au Groënland, ne peut être animé que par une de ces passions et de ces inquiétudes secrètes du cœur humain. Mais ces passions sembleront peut-être excusables, si l’on considère que la peine et l’avilissement où la multitude est condamnée par les lois de notre société peuvent exciter toutes les âmes fortes à secouer une injustice qu’elles