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à Christian David, qui repassait à Copenhague pour les affaires de la mission, le capitaine qui devait le prendre sur son bord ne voulant lui donner passage qu’à cette condition. La chasse et la pêche, dont l’art ne leur était pas encore familier, avaient moins rendu que jamais par la disette et la rareté du poisson et du gibier. Ils n’avaient donc d’autre ressource que celle d’acheter du phoque des Groënlandais ; mais les missionnaires se plaignent d’avoir éprouvé l’ingratitude et la dureté de ces sauvages au point que ceux qui leur avaient le plus d’obligation ne voulurent leur rien vendre, à quelque prix que ce fût.

Il fallait employer les instances et les prières pour obtenir de temps en temps quelque quartier de phoque, qu’ils achetaient encore fort chèrement ; et quand cette provision était consommée, ils étaient réduits à vivre de coquillages ou d’algue marine, qu’ils aimaient mieux manger crue que bouillie. Enfin, disent-ils, Dieu, qui envoya un corbeau porter la nourriture au prophète Élie, suscita un Groënlandais, nommé Ypegau, qui vint de quarante lieues au sud offrir aux missionnaires de leur vendre tout ce qu’il pourrait épargner de ses provisions. Cet homme s’était pris d’affection pour eux dans une occasion où, égarés de leur chemin, le hasard les avait amenés chez lui. Il y avait près d’un an qu’ils l’avaient oublié, quand il se présenta devant eux au moment de leur plus forte disette : il eut pitié de leur