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situation, et se chargea de pourvoir à leur subsistance durant ce temps critique. Ils s’accoutumèrent donc à manger le poisson et le gruau d’avoine, à l’huile de phoque, ragoût détestable sans doute, mais délicieux au prix des vieilles chandelles de suif dont ils avaient souvent été forcés d’assaisonner leurs mets.

La disette leur fut encore plus sensible par les périls qu’elle les obligea de courir ; car, pour aller chercher des vivres, ils s’exposèrent souvent sur un misérable esquif à la merci des courans et des orages. Une fois ils furent emportés loin de la côte et ballottés par les brisans, qui les jetèrent ensuite dans une île où ils passèrent trois ou quatre jours en plein air, et par le temps le plus froid, avec leurs habits mouillés. Une autre fois, après s’être épuisés à ramer toute la journée, ils s’arrêtèrent la nuit dans un endroit désert, où, faute de tente, ils furent réduits à se creuser un asile dans la neige, jusqu’à ce que, pour éviter de mourir de froid, et d’être ensevelis sous de nouveaux flocons qui s’entassaient sur leur tête, ils sortirent de ce mauvais abri, et se réchauffèrent à force de courir. C’est dans ces tribulations de toutes espèces qu’ils passèrent la troisième année de leur mission.

L’année suivante, mêmes travaux avec aussi peu de fruit. Une disette presque continuelle : on y remédia pourtant. Les bateliers, à la sollicitation d’Égède, retranchèrent de leurs provisions de la semaine pour en vendre une légère