Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les deux sœurs de Matthieu Stach apprirent la langue du pays pour catéchiser leur sexe ; mais les habitans n’avaient ni le loisir, ni l’envie d’écouter les instructions ; et quand on ne leur enseignait rien de nouveau, ils faisaient comprendre qu’ils avaient assez entendu parler de merveilles à des gens qui en savaient plus que les bons frères, et qu’ils étaient las d’apprendre et de croire de ces sortes de choses. Loin de se laisser convertir dans les assemblées de plaisir où l’on venait leur prêcher l’Évangile, ils tâchaient d’engager les prédicateurs à s’y divertir comme eux ; et lorsque ceux-ci voulaient conserver la décence et la gravité de leur ministère, on contrefaisait leur chant, leurs lectures et leurs prédications ; on ridiculisait surtout leur pauvreté. Si les missionnaires disaient qu’ils n’étaient pas venus au Groënland pour la bonne chère, mais pour le salut des âmes, on leur répondait : « Voilà de beaux prêcheurs ! Ne savons-nous pas que vous êtes des ignorans, qui feriez mieux d’étudier que d’enseigner ? » Comme ils souffraient tous ces sarcasmes sans altération, les sauvages abusaient de leur patience, et poussaient l’insulte et la dérision jusqu’à les poursuivre à coups de pierres, à leur sauter sur les épaules, à piller leur canot, ou le lancer à l’eau. Une nuit les frères, entendant du bruit autour de leur tente, sortirent et trouvèrent des gens le couteau à la main qui avaient déjà entamé les pelleteries dont leur logement était revêtu, pour les em-