Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/36

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ne veux point aller au ciel avec lui. Voulez-vous donc aller en enfer ? lui répliquai-je. Ni l’un ni l’autre, répondit-il, mais rester sur la terre. » Quand je lui dis qu’il fallait mourir, et après la mort aller dans un séjour de bonheur ou de malheur, il hésita un instant, puis me répondit qu’il n’entendait rien à cela, ni ne se souciait d’en savoir davantage. Un moment après il ajouta qu’il devait aller à la pêche, que sa femme manquait de vivres, et qu’il n’avait point d’oreilles pour écouter des choses incompréhensibles. »

Le frères moraves n’éprouvèrent donc que les peines et les dégoûts du ministère apostolique jusqu’à l’année 1738. Enfin, après six ans d’un travail infructueux, leur constance fut récompensée de quelque succès. Un jeune Groënlandais, nommé Manghek, vint s’offrir de rester avec eux, s’ils voulaient se charger de son entretien, à condition qu’il leur donnerait tout ce qu’il prendrait, soit à la chasse soit à la pêche. Ils crurent bien que cet engagement ne durerait de sa part que jusqu’à la belle saison ; mais il tint parole, et ne voulut plus les quitter, malgré les tentatives de toute espèce qu’employèrent les sauvages pour l’engager à déserter la mission, ou pour le faire chasser par les missionnaires en l’accusant de larcins dont il était innocent. L’exemple de ce jeune homme fut bientôt imité par un père de famille qui s’appelait Kaiarnak, et qui de disciple des frères devint l’apôtre de ses com-