Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/47

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sion. Car on ne verra point ici ce que le christianisme abhorre, la croix multiplier les gibets ; le flambeau de l’Évangile allumer des bûchers ; des princes idolâtres étendus par des chrétiens sur des grils ardens ; les armes et les chaînes frayer un chemin de sang et de larmes aux missionnaires. Les Danois, quoique luthériens, quoique entêtés du système dur et tranchant de la prédestination, n’ont pas traité les Groënlandais comme les Russes traitent les Kamtchadales et les autres peuples idolâtres ; enfin ils ont voulu convertir avant de soumettre, et non pas conquérir avant de convertir.

Les frères Moraves, gens sans étude et sans capacité, n’avaient d’autre mission ni d’autres talens pour l’apostolat que leur enthousiasme. Ils se croyaient inspirés ; c’était leur unique moyen de convertir : le temps et les circonstances firent le reste ; car nous est-il permis, à nous catholiques, de penser qu’ils fussent aidés de la grâce pour changer des idolâtres ou des athées en luthériens ? Le ciel ne voulait point sans doute qu’on fermât une porte de l’enfer aux Groënlandais pour leur en ouvrir une autre. Aussi verra-t-on dans la conduite de ces missionnaires la main de l’homme au lieu du doigt de Dieu. Mais il faut convenir qu’ils ont employé d’ailleurs tous les moyens naturels que la vertu morale et la prudence humaine peuvent suggérer. D’abord ils vécurent en bonne intelligence avec ce qui restait de missionnaires