Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/50

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temps après ils perdaient la connaissance et le sentiment ; ils enflaient considérablement, et mouraient sans aucun signe de souffrance. Mais ceux qui résistaient quarante-huit heures et pouvaient vomir, en revenaient. Ceux qui avaient mangé de la chair verte où était le harpon moururent ; quelques-uns des autres guérirent par les remèdes et les secours des missionnaires. C’est ainsi que ceux-ci travaillaient à leur grand objet de la conversion des âmes. Crantz pense que ceux qui avaient blessé cette baleine d’un fer empoisonné devaient être des Espagnols, dont il était venu cette année deux vaisseaux à la pêche. L’un des deux, dit-il, avait fait naufrage à quarante lieues de Godhaab. L’équipage tenta de se sauver à terre dans la chaloupe ; mais on croit qu’il fut tué par les Groënlandais qui voulaient profiter des débris du naufrage. Cependant ceux-ci soutinrent qu’ils avaient trouvé ces malheureux morts de faim et de froid sur le rivage. Au reste, l’avidité des Européens à jeté tant d’alarme sur toutes les côtes des trois autres parties du monde, qu’ils doivent s’attendre à essuyer des hostilités et des trahisons partout où ils portent un appareil de guerre, de violence, d’avarice et de domination. Encore est-ce une espèce de bonheur pour eux que cette même religion qui, loin de réprimer leur injustice, semble irriter le feu de leur cupidité par un souffle de zèle souvent faux, et toujours excessif, ait inspiré à des âmes compatissantes et vertueuses