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rera ce bien sans aucun trouble, il sera toujours utile ; mais l’enthousiasme entraîne souvent l’intolérance. Les missionnaires eux-mêmes s’en plaignent.

Un Groënlandais converti, se trouvant logé près d’une cabane où il y avait une assemblée de danse, et ne sachant comment éviter les tentations que lui donnait le bruit, se mit à genoux pour prier. Ensuite se levant, il entre dans l’assemblée, impose silence, ordonne qu’on l’écoute parler de Dieu, menaçant de briser le tambour sous ses pieds. Une femme, appelée Sara, ne s’arrêta pas aux menaces : dans une pareille assemblée, elle prit le tambour du bal et le mit en pièces. Mais nous l’avertîmes, disent les missionnaires, de ne pas troubler les jeux des inconvertis, et de se contenter d’instruire ceux qui voudraient l’écouter. Nous avons remarqué depuis, avouent ces bons frères, que notre Sara était pétulante, indocile et dédaigneuse. Ces défauts lui venaient des succès de sa prédication ; mais elle a reconnu ses fautes et sa faiblesse. En général, ils se sont aperçus que, dès qu’un Groënlandais était chrétien, il voulait être apôtre. Cependant ils bénissent les heureux fruits de cette ferveur, et tâchent de la répandre, quoiqu’en y mettant les bornes de la prudence.

L’hiver était la bonne saison pour les missionnaires. C’était alors qu’ils se faisaient à loisir pêcheurs d’hommes. Mais comme le temps de la véritable pêche dispersait au loin les