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que l’académie des Arcades avait jadis de colonies distinguées par des noms ridicules, ces frères Moraves se voient toujours portés sur les ailes de l’amour divin, et se croient invincibles, invulnérables, tandis qu’ils nagent dans le sang qui coule des plaies de l’agneau. Cependant ils mêlent souvent au secours d’en-haut des armes et des moyens qui tiennent trop de la faiblesse humaine pour n’être pas suspects.

Un jour, après avoir admis dix-neuf Groënlandais au souper du Seigneur (c’est ainsi qu’ils appellent la communion), ils baptisèrent sept enfans du troupeau, parmi lesquels était une jeune fille qu’ils avaient sauvée quelques semaines auparavant du danger de la damnation ; on va voir comment. Cette brebis était allée avec un homme de sa cabane à Kanghek. Un sauvage groënlandais l’enleva par force, et voulut en faire sa femme à la façon violente du pays. L’hôte qui l’avait reçue était trop faible contre des païens qui prétendaient, en dépit des Européens, épouser les filles baptisées de même que les autres, sans attendre leur consentement, et malgré leur résistance. Il la laissa donc à ces barbares, et, le cœur rempli de chagrin, il vint avertir les missionnaires de cette étrange aventure. Comme il y avait trois jours que la fille était entre les mains des sauvages, on partit, dès la nuit même qu’on en fut informé, pour courir à sa délivrance. Un des libérateurs entrant dans la cabane où elle était enfermée, lui dit : « Comment es-tu venue ici ? Cet hom-