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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/68

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de susciter des témoins à l’Évangile lorsque la cité sainte brillait sur la montagne, et que le chandelier y éclairait au loin et auprès. Une nuée de témoins donnait plus d’éclat à cette lumière victorieuse que des flambeaux épars et isolés. »

C’est avec ce langage mystique et ces bénignes interprétations que les frères Moraves croient voir et montrer partout le doigt de Dieu dans leur propre ouvrage. Si la famine afflige les Groënlandais, c’est un châtiment du ciel contre ces infidèles. Si la disette les attire à la congrégation, où la charité, par une assistance gratuite, en retient quelques-uns à la nouvelle église, c’est la grâce qui les y appelle, les touche et les convertit. Si les pasteurs et leurs troupeaux de baptisés échappent aux dangers de la mer, aux glaces flottantes qui, dispersant leurs bateaux, les égarent et les ballottent des mois entiers, tantôt sous les eaux et tantôt au-dessus, sauvés enfin à la nage et à la rame, ils remercient l’agneau de ce miracle. Si, dans le rude mois de décembre, quand tout leur manque, ils trouvent sur le rivage une baleine morte de neuf brasses de longueur, trois cents personnes qui se mettent à la dépecer, après s’en être rassasiées et en avoir fait d’amples provisions, regardent cette heureuse rencontre comme un don du ciel, et croient cette baleine aussi miraculeuse que celle de Jonas. Ces luthériens enfin, ces frères illuminés, morts, réveillés, ignorans, divisés en autant de classes