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bitait : un sauvage de Kanghek vint réclamer cet enfant, parce qu’il était né chez lui, et qu’il l’avait adopté sous le nom d’un fils qui lui était mort. Mais, comme l’autre Groënlandais avait depuis ce temps-là fait vivre l’enfant et la mère, le procès fut jugé en faveur du chrétien chez qui la mère était morte, contre le sauvage chez qui l’enfant était né. Ce n’est pas que ce jugement ne fut susceptible de révision et d’appel dans la jurisprudence de nos tribunaux, où l’on verrait bientôt éclore des mémoires, et des factums, et des plaidoyers, et des consultations, et des sentences contradictoires sur cette belle question.

L’hiver de 1750 fut plus rude qu’on n’en avait encore vu. Le havre de Neu-Herrnhut, qui a six milles d’étendue dans sa moindre largeur, fut tellement couvert de glace, même dans le mois d’avril, qu’on n’y put avoir d’eau malgré la force des courans et des hautes marées de l’équinoxe. La famine fut générale dans le Groënland. Cependant on s’en ressentit moins qu’ailleurs à la mission, où l’on avait appris aux fidèles non-seulement à prier, mais à travailler, à faire des provisions, à vivre avec économie ; les inconvertis vinrent y chercher de l’assistance. On profita de leur détresse pour leur prêcher l’Évangile ; ce fut sans fruit. Ils admiraient le bon ordre et la sorte d’abondance qui régnaient à Neu-Herrnhut ; mais quand on leur demandait s’ils ne voulaient pas suivre l’exemple de leurs frères