Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/76

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mise sous la protection d’un missionnaire, ils l’enlevèrent dans l’intention, dit-on, de la tuer. Pour obtenir grâce de la vie, elle entra dans un canot, et consentit à partir avec ces sauvages. Le missionnaire écrivit à la colonie de Bonne-Espérance pour faire arrêter les ravisseurs et relâcher la fille baptisée. On fit la garde à Kanghek, où ils devaient passer en allant au sud ; mais on ne la vit point, parce que ses frères l’avaient obligée de se tapir dans le bateau sons des peaux, en la menaçant de l’égorger, si elle remuait ou se montrait. À quatorze lieues plus loin, elle pria ses frères de la descendre un moment à terre pour aller cueillir des baies ou des fruits sauvages. Dès quelle fut débarquée, elle se cacha dans des rochers où on la chercha pendant deux jours sans pouvoir la trouver. Enfin les sauvages s’étant rembarqués, elle fit plusieurs lieues à pied dans les montagnes, jusqu’à ce qu’elle rencontra un Groënlandais qui la conduisit à son canot et la remit à la colonie. On ne peut excuser, ce semble, la conduite des missionnaires qui, dans l’intention de sauver des âmes, établissent une séparation entre les Groënlandais, et élèvent des familles spirituelles aux dépens de celles que la nature avait formées. Toute religion qui dérobe un fils ou une fille à ses parens, sous prétexte de rendre ou d’attacher ses enfans à Dieu, est une religion de discorde, de persécution, ennemie de la paix des états et du bonheur de la société gé-