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nérale. La conversion devient alors séduction ou violence. Rien ne rachète ce vice inhérent au prosélytisme. Cependant, s’il était permis de conquérir et de subjuguer des peuples sauvages, les voies insinuantes que le christianisme inspire aux missionnaires pour étendre la domination des princes de l’Europe sont peut-être les plus humaines que l’on puisse employer. Les frères Moraves ont pris au Groënland toutes les précautions pour rendre leurs chrétiens heureux. Ils ont fait des statuts de police extérieure, utiles au bon ordre, à la paix domestique, au bien du corps, lié de si près au bien de l’âme, dit Crantz, des règlemens, en un mot, qui tendent à former un peuple de mœurs réglées et sociales, également agréable à Dieu et aux hommes. Si quelqu’un manque à ces statuts, on l’y ramène par des admonitions d’abord secrètes, ensuite publiques ; par les corrections de la charité fraternelle ; par les lois pénales de la religion, dont la plus sévère est l’excommunication, toutefois passagère. C’est une loi convenable peut-être à des temps de ferveur, et salutaire tant qu’elle est révérée ; mais, dans des siècles où le relâchement des mœurs a gagné jusque dans le sanctuaire, ébranlé les dogmes, et miné les fondemens de la religion par les scandales de ses ministres, l’excommunication devient infructueuse contre les particuliers, insolente contre les princes, et ridicule, quand elle n’est pas séditieuse. Aussi le clergé luthérien, tou-