Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/91

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sur une langue de terre), aimant trop le Sauveur, périssent d’amour. Nous voyons bien, dit une femme avec malignité, que ces gens-là sont les victimes de leur cher Agneau. Crantz observe que l’esprit de dérision s’empare aisément des Groënlandais qui résistent au Saint-Esprit, et qui se piquent plus de raisonner que de croire. Cependant ils eurent leur tour, et l’épidémie n’épargna pas plus les incrédules que les fidèles. Mais la contagion fut plus sensible peut-être à la mission qu’ailleurs, parce que les hommes y étaient plus rassemblés. Cela n’empêcha point les âmes bien disposées d’y venir, et même de vivre avec les frères, quoique les Groënlandais fuient comme la peste tout endroit où il est mort seulement deux ou trois personnes.

Parmi douze chrétiens qui furent emportés par ce fléau, et que Crantz a insérés dans une espèce de ménologe, on en trouve un dont la maladie est caractérisée par un délire qui marque bien l’enthousiasme et le fanatisme dont les frères Moraves enivrent les Groënlandais. Ce malade vit dans un songe une multitude de petits poissons qui, fuyant les monstres marins dont ils devraient être la proie, avaient trouvé sur une côte une retraite assez grande pour les recevoir, eux et tous ceux qui viendraient s’y réfugier. Au sortir de ce songe, revenu de son délire, il dit que cette côte était l’image du côté de Jésus, dont la plaie ouvrait un asile à tous les pécheurs. Les herrnhuters