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ne parlent jamais à ce peuple que des blessures de l’Agneau. Mais, l’impression qu’un tel langage fait sur l’imagination de ces nouveaux chrétiens leur donne une joie dans la vie, une patience dans les maux, un courage à mourir, qui semble multiplier les prosélytes. On dirait que chaque enterrement produit deux baptêmes, et que la mort même engendre les chrétiens. Cela prouve bien, dit Crantz, la vérité de ces vers d’un cantique : Le royaume du Christ n’est pas bâti dans les espaces imaginaires ; ce n’est pas un songe imposteur, enfanté par les ombres de la nuit, comme l’a dit un poëte profane. Quel est ce poëte ? Est-il Anglais, ou Suisse ? Mais les Groënlandais eux-mêmes ont quelquefois une raison qui résiste à la foi, selon l’expression d’un vieux cantique allemand. « Quand je leur parlais, dit un missionnaire, du Créateur qui s’était fait homme pour racheter leurs âmes, j’en ai trouvé qui traitaient mes sermons de romans. Mais si je leur disais de rentrer en eux-mêmes, ils confessaient la vérité, et leur cœur se rendait malgré les révoltes de leur raison. » Tant la charité des frères Moraves, leur union, l’onction de leurs discours, et surtout le don des larmes qui suppléait en eux au don de la parole, devaient faire impression sur ces âmes simples, qui ne pouvaient d’ailleurs reprocher aux prédicateurs le contraste choquant d’une vie molle et d’un faste audacieux avec la doctrine évangélique de la pauvreté et de l’humilité !